Le flipper et le billard sont apparus suite à la volonté de transposer des jeux de plein air, tels que le cricket ou le golf, en jeux d'intérieur pratiqués sur des tables.
De telles tables de jeu étaient déjà présentes au 15ème siècle, certaines de ces tables ont évolué vers le billard moderne qui reprend le principe de la balle et de la batte du cricket. D'autres tables ont évolué vers des tailles plus petites avec des trous placés à des endroits stratégiques sur le plateau, ce sont ces tables qui sont à l'origine du flipper.
Le plus vieil ancêtre du flipper est la "Bagatelle" : une table de jeu inventée en France en 1777. Cette table de jeu a été créée pour une fête donnée en l'honneur du roi Louis XVI. La fête se tenait au château de Bagatelle dans le bois de Boulogne. C'est de là que vient le nom du jeu.
La Bagatelle possédait un plateau incliné. Le principe était de tirer de petites balles en ivoire à l'aide d'une canne, et de viser des trous placés sur le plateau. Chaque trou ayant un certain nombre de points qui lui étaient associés.
Bien qu'il se soit principalement développé aux Etats-Unis, le flipper est donc un jeu d'origine française puisqu'il est dérivé de la Bagatelle.
L'évolution de la Bagatelle vers le flipper s'est faite en plusieurs étapes :
L'article sur l'évolution du flipper revient en détail sur ces différentes étapes.
La production de machines à monnayeur (futurs flippers) s'est amplifiée dans les années 1930 grâce à quelques compagnies pionnières.
En 1931, la compagnie Automatic Industries présidée par Arthur Paulin produit la Whiffle Board. Ce fut la première machine automatique produite à grande échelle (27 000 exemplaires par mois). Automatic Industries employait plus de 300 personnes reparties dans 3 usines, une au Canada et deux aux Etats-Unis (Ohio et Kansas). La famille d'Arthur Paulin possède toujours le premier exemplaire de la Whiffle board.
Toujours en 1931, le Baffle Ball de David Gottlieb devient un best seller des machines à monnayeur. Vendue 17,5 dollars, la machine donnait 7 billes pour un cent. Ce divertissement bon marché a eu beaucoup de succès dans le contexte de crise financière que connaissaient les Etats-Unis à cette époque. Baffle Ball s'est vendu à 50 000 exemplaires, ce qui a propulsé Gottlieb à la première place des manufactures de flipper.
"Baffle Ball" de Gottlieb (1931)
En 1932, Ray Moloney - un distributeur de machines Gottlieb - trouve difficile de se procurer davantage d'exemplaires du Baffle Ball. Par frustration, il décide de concevoir sa propre machine, Ballyhoo. Cette machine était un peu moins chère que le Baffle Ball et un peu plus décorée. Elle a connu un grand succès, égalant les 50 000 exemplaires du Baffle Ball en 7 mois. Suite à ce succès, Ray Moloney a créé la compagnie Bally (Nom tiré de Ballyhoo).
Ray Moloney, fondateur de la compagnie Bally
"Ballyhoo", le premier flipper Bally (1932)
Une autre compagnie pionnière de l'industrie du flipper fut Chicago Coin. Cette compagnie a été fondée en 1931 et a produit des flippers pendant 46 ans avant d'être rachetée par la famille Stern en 1977 (pour former Stern Electronics). Comme son nom l'indique, Chicago Coin était basée à Chicago dans l’Illinois. Elle a été fondée par 3 associés : Sam Gensburg, Lou Koren et Sam Wolberg. A la même période, 3 frères de Sam Gensburg (Louis, Meyer et David), ont fondé une compagnie de flipper concurrente nommée Genco. Cette compagnie Genco restera un concurrent de Chicago Coin jusqu'à ce que les deux sociétés ne fusionnent en 1959.
Bien que Chicago fut le principal centre de l'industrie du flipper, la Californie a été également à l'origine du phénomème. Notamment avec la compagnie Pacific Amusement basée à Los Angeles et présidée Fred McClellan. Cette compagnie est à l'origine de Contact, le premier flipper relié à électricité (1933). Le concepteur de ce flipper était Harry Williams, un jeune ingénieur qui deviendra un autre pionnier de l'industrie du flipper. La machine Contact a été son premier succès et elle lui a permis de devenir un concepteur reconnu de l'industrie. Harry Williams finira par déménager à Chicago où il fondera la célèbre Williams Manufacturing Company en 1943.
A la fin de l'année 1932, il y avait environ 150 compagnies de flippers aux Etats-Unis. La majorité se trouvait à Chicago, cette ville est devenue de fait, la capitale du flipper.
Cependant la compétition entre les différentes sociétés était importante, et en 1934 il ne restait plus que 14 compagnies subsistantes.
Durant la deuxième guerre mondiale, beaucoup d'usines américaines ont dû participer à l'effort de guerre. L'industrie du flipper n'a pas fait exception, et de nombreuses usines de flippers ont été réquisitionnées pour fabriquer du matériel militaire. A cette époque la compagnie Bally a par exemple produit des détonateurs, des viseurs ainsi que des équipements d'artillerie[1].
Pendant cette période de guerre peu de nouvelles machines ont été produites car le prix des matières premières était trop élevé. Au lieu de cela, les compagnies vendaient des kits de conversion qui permettaient de rafraîchir des flippers existants en changeant leur design.
Cependant, la guerre a quand même eu un impact positif sur l'industrie du flipper car les soldats américains ont exporté des jeux, ce qui a ouvert un marché international après la fin de la guerre.
Du début des années 1940 et jusqu'aux années 1970, le flipper était interdit dans la majorité des villes américaines dont Los Angeles, New York et Chicago.
La principale raison de cette interdiction était que le flipper était considéré comme un jeu de hasard plutôt qu'un jeu d'adresse, il se rapprochait des jeux clandestins d'argent. C'est vrai qu'avant 1947, date de l'invention des batteurs (Humpty Dumpty de Gottlieb), le flipper ne nécessitait pas tellement d'adresse. Les joueurs se contentaient de pousser ou d'incliner la machine pour dévier la trajectoire des billes.
Les autorités reprochaient au flipper de faire perdre trop de temps et d'argent aux jeunes. On lui reprochait également d'être exploité par des mafias. La répression "anti-flippers" était particulièrement intense à New-York. A tel point qu'au début de l'année 1942, le maire - Fiorello La Guardia - a ordonné de rassembler tous les flippers de la ville et d'arrêter leurs propriétaires. Des milliers de machines ont été recueillis en quelques jours avant d'être détruites et jetées dans des rivières. Cette destruction a d'ailleurs été mise en scène, comme on le voit sur la photo ci-dessous qui représente le maire de New-York en train de détruire un flipper à coups de marteau.
Bien que les flippers étaient illégaux, ils n'ont pas complètement disparu de la circulation. Ils ont simplement été cachés derrière des rideaux de sex-shop miteux, en particulier dans les quartiers de Harlem et Greenwich Village. La police a continué a traquer les exploitants de flippers jusqu'au milieu des années 1970.
C'est précisément en 1976 que l'interdiction du flipper a été levée à New York. Le lobby de l'industrie du flipper a réussi à provoquer un conseil municipal pour réexaminer cette interdiction.
Leur stratégie : Prouver que le flipper était un jeu d'adresse, pas un jeu de chance. Pour cela ils ont appelé le meilleur joueur qu'ils connaissaient pour faire une démonstration. Il s'agissait d'un éditeur de magazine âgé de 26 ans, et nommé Roger Sharpe. Ce dernier a impressionné tout le monde par son jeu et le conseil municipal a presque aussitôt levé l'interdiction[2]. Voici une photo de cet évènement, on y voit Roger Sharpe faisant sa démonstration entouré de caméras, de journalistes et de conseillers municipaux.
A partir de la fin des années 1970, avec l'émergence de l'électronique, les relais et les afficheurs à rouleaux des flippers électro-mécaniques, ont été remplacés par des circuits imprimés et des afficheurs digitaux à segments. Cela a donné naissance aux premiers flippers électroniques. Le tout premier fut le Spirit of 76 de Mirco Games sorti en 1975. Par la suite Bally a sorti son premier flipper électronique Freedom en 1976 et Williams son flipper électronique Hot Tip en 1977.
L’essor du jeu vidéo, à la fin des années 1970, a porté un coup sévère à l'industrie du flipper. Dans les salles de jeux, les alignements de flippers ont progressivement été remplacés par des bornes d'arcades telles que Space Invaders en 1978, Pac-Man en 1980 ou Galaga en 1981. Ces bornes d'arcades faisaient d'avantage de chiffre d'affaire que les flippers et les grands constructeurs Williams, Bally et Gottlieb se sont mis à en produire en plus grande quantité que les flippers.
Alors que l'émergence des jeux vidéos de la fin des années 70, a nui à l'industrie du flipper, elle a aussi permis de dynamiser la créativité des constructeurs. Toutes les compagnies ont tenté d'utiliser les nouvelles fonctionnalités offertes par l'électronique afin de rendre les flippers plus attractifs, et regagner du terrain sur les jeux vidéos. Cela s'est traduit par l'apparition de nouvelles fonctionnalités toujours présentes sur les flippers actuels comme les bandes sonores avec paroles du Gorgar de Williams ou les flippers à plusieurs plateaux (Black Hole de Gottlieb ou Black Night de Williams). Au bout du compte, ces innovations n'ont pas fait regagner beaucoup de parts de marché au flipper, mais elles ont permis de belles avancées dans l'industrie.
Un autre fait marquant de la fin des années 1970 est l'arrivée d'un nouvel acteur de l'industrie du flipper : la compagnie Stern Electronics. Cette compagnie a été fondée en 1977 par Sam Stern, un ancien dirigeant de Williams, et son fils Gary Stern.
Après l'émergence des jeux vidéos, le flipper a connu un nouvel essor à la fin des années 80. De nouvelles compagnies sont apparues telles que Capcom ou Alvin G. and Company (fondée par Alvin Gottlieb, le fils de David Gottlieb). Gary Stern, le fils de Sam Stern, fonde également à cette époque (1986) Data East Pinball avec des financements de la société japonaise de jeux vidéos Data East Japan.
Durant la décennie 90, les flippers Bally et Williams de génération WPC dominent le marché, ces flippers possèdent des systèmes sonores et vidéos de plus en plus élaborés, ce qui attire de nouveaux joueurs.
En 1992, le flipper The Addams Family se vend à 20 270 exemplaires, ce qui est un record jamais égalé. Cependant à partir de 1993, l'industrie du flipper commence à décliner. Et bien qu'étant leader du marché, Williams n'arrivera jamais par la suite à renouveler le record de l'Addams family. Ce flipper demeure, toujours aujourd'hui, le flipper le plus vendu de tous les temps.
La fin des années 1990 a été marquée par un important recul de l'industrie du flipper.
Dès Septembre 1994, la compagnie Data East a choisi de se retirer de l'industrie et a revendu sa division flipper à Sega [3].
Deux ans après le retrait de Data East Pinball, en 1996, trois autres compagnies ont fermé : Gottlieb, Capcom, et Alvin G. and Company.
En 1999, c'est au tour de Sega Pinball, Inc. de fermer ses portes.
Le leader du marché Williams n'a pas non plus échappé aux difficultés. A la fin de la décennie, Williams ne vendait guère plus de 4000 exemplaires de ses machines. Pour tenter de revitaliser son chiffre d'affaire, la compagnie a mis au point une nouvelle génération de flipper intégrant un écran vidéo : La génération Pinball 2000 sortie en 1999. Mais hélas l'innovation n'a pas payé et malgré un bon accueil du premier Pinball 2000, le Revenge From Mars vendu à plus de 6000 exemplaires, les ventes ont de nouveau chuté avec le deuxième Pinball 2000, le Star Wars Episode I qui s'est seulement écoulé à 3500 exemplaires. Après cet échec, Williams a définitivement arrêté la production de flipper pour se consacrer au marché des machines à sous.
En 1999, l'industrie du flipper est au plus mal et Sega décide de revendre sa division Flipper à Gary Stern (à qui elle l'avait achetée 5 ans auparavant). Sega Pinball, Inc est alors rebaptisé Stern Pinball, Inc. A partir de cette date et durant toute la décennie 2000, Stern Pinball, Inc a été le seul fabricant de flipper dans le monde.
Quelques anciens employé de Williams ont rejoint Stern Pinball, Inc dans les années 2000. Notamment Pat Lawlor, concepteur de Twilight Zone et The Adams Family, mais aussi Steve Ritchie (Terminator 2: Judgment Day, Star Trek: The Next Generation)
De nos jours, la compagnie Stern Pinball, Inc existe toujours et continue à produire 3 ou 4 flippers par an.
Depuis le début de la décennie 2010, l'industrie du flipper semble connaitre un nouvel essor qui se traduit par une augmentation des ventes et l'apparition de nouvelles compagnies. Certains expliquent ce renouveau par le succès des jeux vidéos de simulation de flipper. Ces jeux vidéos, apparus récemment sur console et smartphone, auraient dynamisé l'industrie réelle [4].
En 2011, Stern Pinball, Inc a annoncé une augmentation de son chiffre d'affaire. La compagnie a embauché plusieurs personnes pour faire face à la croissance de son activité.[5] Parmi ces nouvelles recrues, il y a Georges Gomez concepteur de Monster Bash et Revenge from Mars.
L'année 2011 a aussi été marquée par l'arrivée d'une nouvelle compagnie de flipper : Jersey Jack Pinball. Cette compagnie a été fondée par Jack Guarnieri, propriétaire du site pinballsales.com spécialisé dans la vente de jeux automatiques (flippers, baby-foot, bornes arcades etc). Jack Guarnieri écrit une chronique mensuelle dans le magazine RePlay sous le pseudonyme de Jersey Jack, c'est de là que vient le nom de sa compagnie.
Un accord a été signé entre Jack Guarnieri et Planetary Pinball Supply, un distributeur officiel de pièces détachées WMS. Cet accord permet à Jersey Jack d'utiliser des pièces et des brevets Bally/Williams pour la production de ses propres machines [6].
Jersey Jack Pinball a investi 2 millions de dollars[7] pour mettre au point un nouveau flipper, The Wizard of Oz, qui se veut innovant en plusieurs points : premier flipper avec écran LCD, premier flipper avec LED multicolores, premier flipper widebody depuis 1994[8]. La mise au point de ces nouveautés a pris plus de 2 ans. Après plusieurs retards, le Wizard of Oz est finalement sorti en avril 2013.
A noter aussi, l'apparition récente de deux autres compagnies de flipper : Heighway Pinball au Royaume-Uni et Quetzal Pinball en Espagne. A suivre ...